Pèlerins russes en Bretagne :

 

- Témoignage de Claire JOUNIEVY -

 
Faire découvrir à des jeunes orthodoxes venus de Russie une tradition chrétienne et des saints pleinement orthodoxes en Occident, leur permettre de faire connaissance avec un paysage, une culture, des traditions locales de grande beauté, leur faire rencontrer aussi des communautés chrétiennes françaises – orthodoxes bien sûr mais aussi catholiques -, créer en fin une dynamique de groupe fondée sur la prière aux saints bretons, tels étaient les paris de l’association de jeunesse orthodoxe « Cause commune » en organisant un Tro Breizh au mois d’août 2002.

 

Avec la Bénédiction de Mgr. Kirill de Smolensk, responsable du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou et l’approbation du Département des affaires de la jeunesse, un groupe d’une trentaine de jeunes pèlerins a donc pris l’autocar, un matin d’août, pour un long voyage de Moscou à Rennes.

 

Nombreux, le groupe est fort hétéroclite. Il est placé sous la direction spirituelle du Père Dimitri qui célébrera quotidiennement les offices d’intercession, accompagné par une moniale américaine qui publie à Moscou un journal orthodoxe en langue anglaise. Il est surtout constitué d’étudiants et jeunes professionnels de l’édition, l’enfance, le monde du spectacle ou la téléphonie. La plupart sont originaires de Moscou, mais un pèlerin habite Munich, un autre Voronej, un couple vit à Rostov sur le Don, plusieurs sont originaires d’Ukraine ; enfin, le groupe est rejoint par trois français dont deux de confession catholique. Dans l’autobus se forme un petit cœur amateur et l’on répartit les rôles impartis à chacun au cours des offices : lecteur, servant d’autel, responsable des icônes … Les pèlerins s’arrêtent pour une première vraie étape à Strasbourg, afin de célébrer un office dans la basilique d’Eschau, où sont conservées les reliques des Saints Foi, Espérance et Charité et de leur mère Sainte Sophie.

 

Enfin, très tôt, au matin du 13 août, le groupe fatigué par une longue route arrive à la communauté de l’Arche de Bruz. Le pèlerinage commence quelques heures plus tard, avec la célébration de l’office de l’envoi, au cours duquel le Père Jean Roberti, de la Paroisse orthodoxe de Rennes, put transmettre la bénédiction de son Archevêque, Mgr. Serge, et le Père Maxime Le Diraison remettre au Père Dimitri les icônes des sept saints fondateurs de Bretagne qui nous accompagneront tout au long de ce pèlerinage. Eclairant chacune de nos étapes, permettant la prière, ces icônes demeurent aujourd’hui dans les maisons russes des pèlerins qui aiment à poursuivre la prière à Saint Samson, Saint Patern, Saint Corentin, Saint Pol Aurélien, Saint Tugdual, Saint Brieuc et Saint Malo.

 

Avec le premier départ, commence un périple de 9 jours, jalonné d’offices, de rencontres, de fêtes, de découvertes …

 

Il suffira ici de raconter quelques temps forts, dont les pèlerins aiment à se souvenir lors de leurs rencontres. C’est d’abord la première étape, avec l’arrivée à Dol. Du fier granit de la Cathédrale, une volée de cloches puissantes emplit l’air et le  ciel devenu subitement très bleu. Et tandis que leur écho résonne encore, les pèlerins, suivant la bannière et l’icône, s’organisent en procession derrière un joueur de cornemuse, venu accueillir les pèlerins de la lointaine Russie et prier Saint Samson. Après l’office et la vénération de l’icône et du cercueil du saint évêque, après la première intervention du Père Maxime sur le christianisme breton des origines, le groupe est accueilli par le curé de la Cathédrale, Père Marcel, pour un buffet royal.

 

Moment fort encore, la journée du 14 août. Ebloui par l’océan matinal, le groupe en route pour Boquen décide de renoncer à la marche prévue, pour profiter de la mer ; la Providence guidant l’autocar, c’est -  sans le vouloir - Saint Coulomb, le lieu même où Saint Colomban aborda, selon la tradition, qui fut choisi pour les premières ablutions du voyage. Après une longue baignade et une courte prière, les pèlerins gagnent Boquen, pour y être accueillis avec déférence et empressement par les sœurs de Bethléem. Depuis 1954, le Monastère de Boquen conserve les reliques des 17 saints bretons, parmi les plus importants de l’histoire de la fondation du Christianisme en Bretagne. Sauvées des Normands au Xe siècle, elles sont longtemps restées à Paris, échappèrent aux fureurs révolutionnaires et furent confiées à Boquen à la demande de l’Abbé Alexis Presse. Pour la seconde fois (un premier « moleben » avait été célébré en l’an 2000 par la Fraternité Sainte. Anne), se rassemblèrent donc au monastère des pèlerins orthodoxes venus de Russie, des paroissiens des Pères Philippe Calès (Patriarcat de Roumanie) et Maxime Le Diraison (Patriarcat de Constantinople), quelques moniales de la communauté et fidèles du Monastère. La célébration dans ce lieu de silence, devant les reliques de tant de saints, l’utilisation à la fois du slavon et du français au cours de l’office, la présence de représentants de plusieurs Eglises orthodoxes ont donné à ce service un caractère particulier. Il reste, sans doute, celui qui a le plus marqué les pèlerins par son intensité.

 

On parlera encore du passage à Landévennec : très court, laissant aux pèlerins juste le temps de chanter le tropaire à Saint Guénolé et de vénérer ses reliques, après que la communauté des moines bénédictins eut chanté une hymne antique à son saint patron. L’accueil des bénédictins a rappelé à certains celui, simple et austère, des moines du Mont Athos, qui ont pour tradition d’offrir un verre d’un alcool de leur composition et quelques pâtes de fruits, après que le pèlerin a prié.

 

Moment spirituel fort aussi que les deux Liturgies célébrées en Bretagne, en l’honneur de la pâque dominicale, grâce à l’accueil des frères de Saint Jacques de Guiclan, à l’occasion de la Transfiguration dans la chapelle de la maison Saint Augustin à Tréguier, célébrée selon le calendrier julien le 19 août par l’Eglise de Russie. Les pèlerins ont pu ainsi se confesser et communier au Corps et au Sang du Christ.

 

Enfin, bien que n’entrant pas directement dans le Tro Breizh, la traversée des grèves du Mont Saint Michel et l’office, célébré à l’Eglise paroissiale Saint Pierre du Mont, en l’honneur de l’Archange restent des souvenirs inoubliables …

 

Venus prier les sept saints fondateurs et les grands saints moines Guénolé et Colomban, les pèlerins se sont laissés prendre par la Bretagne, ont aimé sa musique, gardent un excellent souvenir des galettes servies par les amies des sœurs de Bethléem, des sonneurs de Dol et de Tréguier, du far breton de Guiclan, du Quimper de Claude Filly, un catholique quimpérois venu présenter sa ville, et surtout sans doute de Vannes, du festival d’Arvor et des costumes, du spectacle sous les remparts après l’office à Saint Patern, du fest-noz enfin, où tous se sont plus ou moins essayés aux danses bretonnes.

 

De Bretagne, le groupe a gagné Paris, pour une Liturgie célébrée par l’Evêque Innocent du Diocèse de Korsun (Patriarcat de Moscou) et une visite à Paris russe et orthodoxe, puis du Paris historique.

 

Les liens créés dans la prière et la bonne humeur des après-midi sur les rives de l’océan, demeurent très étroits entre les pèlerins qui se rencontrent régulièrement. Fruit inattendu de ce voyage, l’un des chauffeurs et l’une des participantes se sont mariés le 18 octobre dernier. En trouvant une épouse, Oleg a aussi trouvé le chemin de l’Eglise, et ils remercient aujourd’hui les saints fondateurs de Bretagne de leur intercession ! Quelques pages Internet ont été réalisées par plusieurs membres du pèlerinage, elles proposent des vies des saints, en français et parfois en russe, les tropaires et les icônes des sept saints fondateurs, les photographies du pèlerinage et les dessins réalisés par Varvara, quelques articles et récits. Ce matériel est disponible à l’adresse : http://la-france-orthodoxe.net

 

Si elle s’essouffle, après quelques années de fureur, la vague celtique reste toujours bien vivante à Moscou. En venant danser sur les places de Bretagne, les jeunes pèlerins s’inscrivaient ainsi, en partie, dans une mode motivée par une recherche des racines et d’authenticité ; en venant prier les saints qui ont illuminé la terre de Bretagne, ils venaient surtout donner un sens à ce qui n’est qu’un courant passager en le remplissant de l’esprit du Christ.

 

 

 

Tous les Saints de Bretagne,

priez pour nous !

 

 

Claire